15/01/2021
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La parole aux Mérignacais

Raphaël Nitard 31 ans, père de famille, centre-ville

« En attendant des jours meilleurs, je vois le bon côté des choses »

« Pendant le premier confinement, nous avons passé beaucoup de temps en famille. On allait tous les jours en forêt avec mon fils. Ces balades sont devenues sacrées ! Finalement, ce rapprochement forcé a servi à resserrer des liens, à briser la routine et à nous focaliser sur ce qui est vraiment important : la famille. Le deuxième confinement se passe différemment : avec l’arrivée d’un bébé en plus, en plein hiver et au chômage partiel pour moi... Je bricole dans la maison, je répare ma moto. J’essaie de ne pas trop me poser de questions sur l’avenir. Je suis mécanicien sur les jets privés de Dassault Aviation : nos clients vont en Asie pour faire réparer leurs bijoux car en France, des restrictions rendent difficile le séjour des pilotes. J’ai confiance dans la solidité de mon entreprise, mais il ne faudrait pas que cette situation s’éternise. En attendant des jours meilleurs, je vois le bon côté des choses : je peux amener mon fils à l’école tous les matins, j’apprends à consommer local, à dépenser moins, et je garde des rêves au chaud : j’ai promis à toute la famille qu’on ferait un road trip aux USA, dès que le trafic aérien reprendrait normalement. »

Didier Jou de Las Borjas 74 ans, bénéficiaire du CCAS

« Heureusement, ma ville n'oublie pas ses aînés »

« J’ai moins de raisons de me plaindre que d’autres : j’habite une maison avec jardin, c’est une chance. Et Mérignac, ma ville, fait beaucoup pour ses aînés. Habituellement, je prends mes repas au restaurant senior des Fauvettes. Maintenant reclus chez moi, je profite du service de portage des repas à domicile. Je trouve même que la qualité des menus s’est améliorée par rapport au premier confinement ! On a du potage maison, des aliments frais, des plats à faire réchauffer au micro-ondes, des boîtes sur lesquelles sont indiqués les temps de cuisson et les dates de péremption… Et je suis livré à la même heure chaque jour par le personnel des Fauvettes auquel je suis habitué. Le confinement, et le reconfinement, c’est comme deux coups de massue sur nos libertés, mais je m’y suis fait. »

Naella Ouahman 17 ans, en terminale au lycée Fernand Daguin

« On a la preuve que les jeunes représentent l'avenir »

« Ne pas sortir, ne pas pouvoir profiter de mes amis et seulement me concentrer sur mes études, franchement, c’est l’angoisse. Parfois j’ai l’impression que ma vie ne sera qu’un long moment de stress jusqu’au bac. Mais il y a aussi du positif dans cette crise : pendant le confinement, j’ai appris à mieux me concentrer sur mon travail et j’ai eu le temps de réfléchir à mon avenir, à penser sérieusement à moi. Ce n’est pas si souvent que ça arrive ! Je voulais devenir notaire, mais je vais peut-être choisir le métier d’avocat. Dans le fameux monde d’après, j’ai décidé que je changerai quelques habitudes : je vais réduire ma consommation de vêtements. En vrai, ça me manque et il reste de la place dans mon armoire, mais j’ai su résister aux achats sur le Net pendant le confinement, alors je sais que je peux tenir. Même si le vaccin ne fait pas disparaître le virus, j’ai de l’espoir et une certitude : la société sait maintenant à quel point les jeunes sont importants. L’État a tout fait pour qu’on poursuive nos études : c’est la preuve que nous représentons l’avenir. »

La parole aux experts

Timothé Duverger Maître de conférences associé à Sciences-Po Bordeaux, responsable de la Chaire « Territoires de l’Économie Sociale et Solidaire »

« Nous avons éprouvé notre nature d'êtes sociaux »

« On remarque des tendances à l’oeuvre, exacerbées par la crise de la Covid : nous sommes très préoccupés par les questions d’environnement ; nous relocalisons nos activités en multipliant les circuits courts que nous couplons à l’usage du numérique ; nous avons constaté avec force que l’autorégulation du marché ne suffit pas. Nous avons eu besoin de l’action publique, avec un État et un chef d’État forts, qui a fait intrusion dans nos vies pour régler nos déplacements, nos modes et nos horaires de travail, qui l’on a le droit de voir ou pas... Enfin, avec l’isolement, nous avons éprouvé notre nature d’êtres sociaux. »

Patrick Seguin Président de la CCI de Bordeaux Gironde

« La crise révèle le bon côté de notre économie locale »

« En Gironde, 96 % de nos entreprises ont su s’adapter. 4 % des structures sont en liquidation. C’est tragique, mais moins que dans la plupart des départements. Les priorités vont changer : les entreprises vont ouvrir leur capital aux collaborateurs. Déjà, de grands groupes ont compris qu’ils dépendaient aussi des sous-traitants sans qui, demain, ils ne pourront pas relancer la machine. En très peu de temps, le patronat et les syndicats se sont rapprochés pour formaliser des accords concernant le télétravail qui attendaient depuis des années. Aujourd’hui, des collectivités rurales sollicitent la CCI pour créer des espaces de coworking. Je crois à cette transformation, mais aussi au besoin de rituels dans l’entreprise. »

Dominique Saitta Ingénieur conseil en santé au travail

« Vers un nouveau modèle de rémunération du travail »

« Avec l’obligation ou presque de télétravailler, de nombreux salariés ont découvert un plaisir propre aux indépendants : celui d’organiser sa journée soi-même, d’être plus autonome, donc plus mature. De leur côté, les employeurs apprennent à faire confiance à leurs collaborateurs. Ces facteurs sont importants : si la qualité de notre temps de travail s’améliore, notre qualité de vie aussi. Nous nous orientons vers un nouveau modèle où la rémunération sera fonction non pas du temps passé au sein de l’entreprise, mais du niveau de prestation et du bon déroulement de la mission. »

3 questions à Alain Anziani,

Maire de Mérignac Président de Bordeaux Métropole

« La crise a revalorisé l'humain »

La crise sanitaire a-t-elle changé le maire ?

« Non, au contraire, elle a renforcé mon attention aux questions de santé et de sécurité et d’une manière générale, elle m’a conforté dans mon sentiment que rien ne peut remplacer les échanges directs et la proximité, même si je suis un adepte du numérique. Sur le fond, j’ai toujours pensé nous étions peu de chose et que la nature a toujours le dernier mot. La pandémie est un nouveau rappel à l’ordre comme le sont les grandes catastrophes naturelles : contrairement à l’image qu’il a de lui, l’homme n’est pas le maître du monde. »

Est-ce qu’elle a modifié l’âme de Mérignac ?

« La pandémie a accentué notre prise de conscience de l’importance des services de proximité, en particulier des petits commerces, qui sont l’âme de notre ville et de ses quartiers. Les Mérignacais, on l’a noté dès le début de cette crise, ont besoin de se retrouver sur les marchés, de discuter avec et chez leurs commerçants. La municipalité a fait preuve d’ingéniosité et de réactivité pour rouvrir les marchés et maintenir le dialogue à travers différents outils papier ou numérique. Nous avons proposé aussi une offre culturelle en ligne pour maintenir l’accès à la médiathèque, aux spectacles vivants ou au conservatoire. La crise a revalorisé les échanges entre les personnes et, au bout du compte, l’humain. »

Que souhaitez-vous pour 2021 ?

« La santé ! D’abord la santé à chacun. Ensuite, la résistance aux effets économiques et sociaux de la crise sanitaire. Enfin, le retour à une vie sociale, le repli sur soi n’est jamais un bon comportement durable. Plus globalement, la pandémie se révèle un accélérateur de changement, elle a par exemple conforté le tout numérique, mais elle porte aussi en elle le risque de nous éloigner les uns des autres, de freiner les relations sociales. L’échange par écrans interposés est utile, salvateur parfois, mais il n’est pas suffisant. Je souhaite que nous nous retrouvions enfin les uns à côté des autres. »