11/01/2018

La Ville de Mérignac poursuit son exploration photographique en accueillant à la Vieille Eglise le travail des membres de l’agence allemande Ostkreuz.
Par son approche documentaire socialement engagée l’exposition « La condition humaine » s’interroge sur ce que les hommes partagent, ce qui nous différencie, nos interactions avec le monde et les autres.

Au printemps 1990, sept photographes originaires d’Allemagne de l’Est ayant acquis une renommée sur la scène photographique se retrouvent à Paris. Ils répondent à l’invitation du président François Mitterrand qui réunit les artistes les plus en vue de la République Démocratique d’Allemagne pour une exposition. Se retrouvant pour la première fois à Paris et prenant exemple sur l’agence Magnum, les sept photographes décident de fonder leur propre agence. Ce printemps 1990 marque la naissance de l’agence de photographes berlinoise OSTKREUZ.

L’année 1990 est une période transitoire. Le Mur de Berlin est tombé depuis un an mais l’Allemagne est encore coupée en deux. L’objectif de cette agence de photographes est de préparer ensemble l’avenir, un nouveau système, un autre regard. Le choix du nom de l’agence est significatif. En effet, Ostkreuz est une station de S-Bahn (train berlinois) qui relie l’Est de Berlin au reste de la ville. Cette gare est une intersection à partir de laquelle on peut partir dans n’importe quelle direction.

L’engagement fondateur de l’agence, et qui a garanti sa qualité, est le travail collégial, comme le précise l’une des co-fondatrices Sibylle Bergemann « Le jugement d’un commanditaire est important mais le jugement des collègues est primordial ». Ainsi, l’agence Ostkreuz rassemble des photographes ayant une approche documentaire socialement engagée.

Vingt-sept ans après sa création, l’agence Ostkreuz est devenue l’une des agences de photographes d’Allemagne les plus renommées. Ses vingt-et-un membres aujourd’hui forment artistiquement, et personnellement un groupe diversifié d’explorateurs européens. Tous ont des manières différentes de travailler mais une même sensibilité les unit : leur vision humaniste du monde et de la condition humaine. Ainsi des interrogations apparaissent sur ce que les hommes partagent, ce qui nous différencie, nos interactions avec le monde et les autres.

La condition humaine

À travers les photographies présentées dans l’exposition
« La condition humaine », les membres de l’agence Ostkreuz dévoilent des réponses à ces questions par des séries photographiques datant d’avant et d’après la chute du Mur de Berlin.

Le photographe Werner Mahler (né en 1950, Bossdorf, Saxe) dépeint avec la série « Bacheliers » (depuis 1977) des parcours de vie de personnes qui ont partagé un même point de départ. En effet, en 1977, il photographie une classe de terminale d’un lycée à Oranienburg en RDA, qui venait de réussir le baccalauréat. Werner Mahler a ensuite suivi chacun des bacheliers — certains d’entre eux s’étaient installés à l’ouest — en les photographiant tous les cinq ans environ dans les mêmes situations. Entre la première et la dernière image, trente ans se sont passés. Ces images nous montrent ce que la vie apporte avec elle en événements, ce que le temps inflige au corps, aux visages mais aussi sur nos points de vue sur les choses.

Ce projet sur du long terme est assez similaire au travail d’Ute Mahler (née en 1949 à Berka, Thuringe). Adoptant une périodicité plurian- nuelle, la photographe s’est interrogée sur les relations humaines. Elle s’emploie à les documenter avec la série « Vivre ensemble » (1972-1988). Ce travail de seize ans avait pour objectif de savoir comment les gens sont familiers avec l’autre par les postures, les attitudes, les gestes et les regards qu’ils prennent. Ce faisant, Ute Mahler dresse également un panorama privé d’une société, celle en République démocratique allemande. Par ces photographies de rue ou en intérieur, Ute Mahler traite de la condition humaine.

Rendre compte de cette condition humaine peut aussi s’opérer à travers les logements. Dans la série « Manhattan » (2009-2012), Stéphanie Steinkopf (née en 1978, née à Froncfort-sur-l’Oder dans le Brandebourg) dévoile avec beaucoup d’intimité d’un développe- ment de la division sociale dans de nombreuses zones rurales de l’Allemagne de l’est aujourd’hui. « Manhattan », est le surnom donné par ses habitants à un complexe d’appartements préfabriqués de quatre étages à une heure de Berlin. Ces appartements considérés comme prestigieux avant la chute du Mur sont tombés en déclin à cause d’une crise économique dans ces régions. Dans les années 2000, un des blocs d’habitations était complètement vide, l’autre abritait une quarantaine d’habitants. Ce sont ces perdants de

la réunification allemande que suit la photographe en mettant en avant la pauvreté des occupants mais en soulignant également la grande solidarité qui les rassemble.

La réalité sociale est complexe, les frontières entre classes sociales sont abstraites. Tobias Kruse (né en 1979, à Schwerin dans le Mecklembourg-Poméranie) avec la série « Terminal » (2012) capte une forme de ségrégation sociale. Il photographie les moments quotidiens de l’ancienne gare routière de Tel Aviv avec une grande intensité esthétique. Dans ce royaume des exclus et des brisés au sein des ruines de cette vieille gare se côtoient des prostituées ukrainiennes et allemandes, des travestis d’Israël et des territoires palestiniens. Beaucoup d’entre eux consomment de l’héroïne ou de la méthamphétamine et le sol est jonché de seringues et de pré- servatifs. Tobias Kruse nous questionne sur les moyens qu’ont ces personnes en marge de la société pour se construire.

Harald Hauswald (né en 1954 à Radebeul, Saxe) est un photo- graphe de rue engagé. Semblable à une chronique visuelle, ses images d’avant la réunification ont façonné l’image de la République Démocratique A llemande et les souvenirs de Berlin-Est. Très tôt, Harald Hauswald recherche des sujets qui contredisent l’idéologie officielle. Ce qui l’intéresse le plus sont les marginaux, ceux qui ne sont pas censés exister dans l’État socialiste. Dans la série « Mainzer Strasse », le photographe rend compte de la série d’expulsions dans la Mainzer Strasse à Berlin-Friedrichsain, conduite par les forces de l’ordre le 13 et 14 novembre 1990 pour déloger des cen- taines de squatters occupant des immeubles le long de la rue.

Ce point de vue critique sur une société est également adopté par Mila Teshaieva (née en 1974 à Kiev – Ukraine) avec la série « Promising Waters » (2011). Comment l’Etat modifie nos conditions de vie, notre identité privée et comment les gens doivent-ils relever ces défis ? Depuis la dislocation de l’Union soviétique en 1991, les républiques d’Azerbaïdjan, du Kazakhstan et du Turkménistan se sont constituées en nations indépendantes et ont cherché à s’intégrer dans l’économie mondiale en utilisant l’enjeu du pétrole. Ainsi sur les rivages de la mer Caspienne ont surgi des projets ambitieux. Cette prospérité de façade avec cette modernité nouvelle et ces villages de pêcheurs en déclin cache un désert où des hommes et des femmes tentent de survivre.

agence Ostkreuz

De la même manière nous suivons une histoire individuelle, celle de la photographe Linn Schröder (née en 1977 à Hambourg) avec « Autoportrait avec des jumeaux et un sein » (2012). Cet auto- portrait troublant est socialement significatif. Linn Schröder, dans cette mise en scène, témoigne de sa relation à son propre corps et raconte une histoire très intime. Elle appartient à la jeune génération d’Ostkreuz et aborde la photographie d’un point de vue très personnel. « J’ai mis en scène la photo avec la costumière Elke Rüss.
Elle a créé le costume de collants que je porte. Mes jumeaux portent le même collant. Afin de donner plus de symbolisme à l’image, je voulais être voilé, la cicatrice de la chirurgie du cancer du sein devant rester visible. Les jumeaux et la cicatrice forment les deux pôles opposés de l’image : la cicatrice, qui représente le cancer et la mort, et en revanche, les jumeaux, la double vie [...] ».

agence Ostkreuz

Sibylle Bergemann (Berlin 1941 - Gransee, Brandebourg 2010) est une photographe de renommée internationale. Le contexte social joue un rôle important dans son travail car elle façonne ses images en faisant l’examen critique de la RDA. La série « P2 » (1974) nous dévoile un type d’habitation élevé qui a été érigé dans les années 70. Par ces photographies d’intérieur et en lisant entre les lignes, Sibylle Bergemann reflète la structure sociale en Allemagne de l’est.

C’est également le cas de la série de Thomas Meyer (né en 1967 à Delmenhorst dans la Basse-Saxe) « Inside Stasi » (2007). Le photo- graphe pose son regard aigu sur les lieux où s’exerçait la terreur de l’appareil d‘Etat est-allemand. Thomas Meyer photographie les bureaux et les geôles de la Stasi, ministère de la Sécurité d’Etat en RDA qui maintenait la population sous contrôle. Ces lieux ont été, depuis la chute du rideau de fer, transformés en musées et en fonds d’archives.

Un outil peut également déterminer une vie, une société. Heinrich Holtgreve (né en 1987 à Bochum dans la Rhénanie-du-Nord- Westphalie) photographie l’Internet, un réseau de réseaux. Plus de 3,7 milliards de personnes dans le monde ont accès à Internet. Quelle forme prend-il ? Est-il matérialisé ? Heinrich s’emploie, pendant deux ans, à révéler l’infrastructure physique essentielle à Internet. Et ce qu’il ne peut photographier il l’interprète poétiquement.

agence Ostkreuz

La Vieille Église, cap sur la photographie

La Vieille Église est aujourd’hui un lieu culturel dont le rayonnement touche toute l’agglomération bordelaise. Depuis 30 ans, la Vieille Église accueille des expositions de qualité, dédiées aux arts visuels (Labégorre, Robert Combas, Carole Benzaken, Barbara Shroeder, Aline Ribière...). En septembre 2014, la Ville de Mérignac a accueilli l’exposition inédite « Tapisseries » du duo de plasticiens Grégory Gicquel et Daniel Dewar. La Ville de Mérignac affirme également son soutien à la création contemporaine à l’image de l’exposition « De l’ombre à la lumière » d’Eric Vassal accueillie en janvier 2016.

Depuis quelques années, Mérignac a choisi de développer l’axe photographique. Un coup d’accélérateur a été donné en 2012 par une convention passée avec La Maison Européenne de la Photographie permettant ainsi d’exposer des œuvres d’Helmut Newton, Alice Springs, Françoise Huguier ou Sebastiao Salgado.

Martin Parr, Denis Darzacq, Michel Vanden Eeckhoudt, ont également été exposés dans les murs de la Vieille Église. En 2016, l’agence VU’ a choisi Mérignac aux côtés d’autres grandes villes de la photo (Sète et Arles) pour fêter ses 30 ans.

La deuxième édition du Mérignac Photographic Festival, dont François Cheval était le commissaire invité, s’est tenue du 5 octobre au 17 décembre 2017 et a confirmé l’engouement populaire pour la photographie.

En 2018, la Vieille Église devient un lieu entièrement consacré à la photographie.

agence Ostkreuz

Informations pratiques

L’exposition « La condition humaine » est réalisée en partenariat avec le Goethe-Institut. Du 13 janvier au 25 mars 2018, à la Vieille Église Saint-Vincent, rue de la Vieille Église. Ouvert du mardi au dimanche de 14h à 19h, entrée gratuite. Accès : Tramway ligne A — Arrêt Mérignac-Centre.

Point presse le vendredi 12 janvier à 11h,
en présence de Heinrich Holtgreve et Maurice Weiss.

Vernissage le vendredi 12 janvier à 19h.

Des visites accompagnées de l’exposition auront lieu le vendredi 26 janvier, vendredi 23 février à 19h. Visite gratuite tout public. Des visites pour le public entendant et sourd/malentendant com- mentées par une médiatrice culturelle et une interface en LSF auront lieu les vendredi 9 février et 9 mars à 19 h.

Visite commentée suivie d’un atelier pour les familles

le mercredi 21 février de 10 h à 12 h.

Visites gratuites, sur réservation et dans la limite des places dis- ponibles auprès de la Direction de la culture, 05 56 18 88 62.

Université populaire de la photographie le samedi 24 mars à 15 h : l’agence Ostkreuz présente Maurice Weiss.
Auditorium F. Lombard – Médiathèque de Mérignac.
Dans la limite des places disponibles.

Le Goethe-Institut de Bordeaux présente, dans le cadre de cette exposition, « Ciel de plomb » une série des années 1990, signée du photographe Maurice Weiss, membre de l’agence OSTKREUZ. Rencontre à l’issue de la projection du film de l’agence OSTKREUZ le vendredi 23 mars à 18h.

Contact presse

  • Virginie Bougant, chargée de communication – Ville de Mérignac 
  • 05 56 55 66 18 – 06 27 52 48 69
  • v.bougant@merignac.com
Du 13 janvier au 25 mars 2018 : Exposition « La condition humaine » par l’agence Ostkreuz

"La condition humaine", photographies de l’agence allemande OSTKREUZ