29/10/2020
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10 ans qu’Édith Maruéjouls passe son temps en récré. 10 ans que cette géographe, spécialiste des questions d’égalité entre les filles et les garçons étudie les jeux d’enfants, leurs déplacements dans la cour, qu’elle écoute leurs envies, tente de cerner leurs besoins. Son constat ? L’inégal partage de l’espace. « Souvent, le jeu central prend toute la place. C’est en général un terrain de foot. Autour, les mètres carrés sont rares. Les filles, les petits, les moins performants sont donc relégués dans les bordures. Cette répartition inégalitaire limite les échanges et les mélanges. Elle pose aussi des problèmes de mobilité pour aller aux toilettes ou sortir du réfectoire, par exemple, car on n’ose pas traverser le terrain de foot. »





Foot et compagnie







Aux Bosquets, consciente de ce déséquilibre, la Ville a fait appel à la directrice du bureau d’études L’Arobe pour libérer l’espace et installer d’autres ambiances à jouer. « Attention ! La mission n’était pas d’éradiquer le terrain de foot », rétablit Édith Maruéjouls, « mais d’inviter d’autres jeux collectifs dans la cour. De l’épervier au ballon prisonnier, en passant par les jeux d’attrape, de courses... Le panel est vaste. » Réaménager une cour d’école pour y laisser circuler un vent de liberté et d’égalité, c’est aussi prévoir des lieux propices aux ambiances calmes et des espaces de verdure. « Les cours sont la plupart du temps bétonnées. La question écologique rejoint celle de l’égalité. »





Les petits mots des petits maux







Les premiers intéressés, les enfants, ont été d’emblée intégrés au projet : Édith Maruéjouls est passée de classe en classe pour leur demander de dessiner leur cour et leur faire toucher du crayon les injustices spatiales. Les plus grands sont sortis pour mesurer l’espace et comprendre comment se répartissait son occupation. Elle a écouté attentivement les petits maux comme les petits mots : la peur d’aller aux toilettes, si répandue dans les écoles, la crainte de ne plus pouvoir en sortir, l’appréhension face au regard de l’autre. Puis elle a partagé ce diagnostic avec les adultes : enseignants, animateurs, élus, parents... Tous ensemble, ils ont imaginé la cour idéale : celle de la diversité, de la mixité, celle où l’on expérimente la justice et le partage dès le plus jeune âge.





3 ambiances pour mieux vivre la cour





Après cette expérience, la cour se composera de trois ambiances. Le terrain d’activités collectives est placé sur le côté au lieu d’être traversant. Il intègre une « roue du hasard » que les animateurs tournent pour définir quel sera le jeu du jour : un quidditch façon Harry Potter ? Une Battle Royale inspirée du jeu vidéo ?... ou, pourquoi pas, un foot ? Le hasard décide. La grande partie bétonnée ne sera plus exclusivement destinée au jeu de ballon. Les travaux d’aménagement définitifs sont prévus l’été prochain.





Au milieu de la cour, l’espace intermédiaire équipé de tables, de bancs et d’un paravent à trois pans créera une sorte d’agora ouverte, où les animateurs peuvent organiser de petits ateliers collectifs, mais où les enfants pourront aussi venir lire, dessiner, rêver et, très important, en partir et y revenir. Car sans mobilité, pas d’échange, pas d’équilibre ! Plus loin, un petit jardin japonisant, avec poufs et livres, accueille les temps calmes.





« Le projet des cours égalitaires, lancé en 2019, est conforme aux valeurs d’égalité, de droit à la différence et de citoyenneté, partagées par toute notre équipe. Pour nous, bien apprendre c’est apprendre dans un climat apaisé. Nous souhaitons décliner ce concept dans d’autres écoles. » Marie Récalde - adjointe au développement économique, à l'emploi, à l'innovation, à la formation et à l'égalité femmes/hommes




Enfin, sur l’allée, on a installé des thuyas et disposé des assises en croix à 4 places. Elles favoriseront une vue panoramique sur les autres jeux, pour être tout le temps avec les copains, même loin !







Des services ultra coopératifs





« Ce que j’ai fait à Mérignac je n’ai jamais pu le faire ailleurs. On m’a laissé carte blanche et du temps pour valider toutes les étapes jusqu’à l’installation des jeux. Et le travail de coopération interservices a été extraordinaire », tient à souligner Édith Maruéjouls. « La métropole a apporté les plantes et des bacs en hauteur, les services techniques de la Ville ont récupéré du mobilier et l’ont installé sans délai, les animateurs ont travaillé sur les contenus des espaces... et peu après la rentrée, les enfants ont découvert leur nouvelle cour de récré. »





Cependant, la cour durable demande du temps. « Repenser l’espace n’est pas suffisant », prévient la spécialiste. « Pour que les filles se sentent autorisées à jouer dans la zone collective, il faut leur expliquer les règles du jeu. Et parfois, il faut dire aux garçons qu’il existe d’autres jeux de ballon que le foot. La relation à l’autre est à ce prix. »







« Repenser une cour plus égalitaire, c’est favoriser l’expression de tous les enfants, diffuser des valeurs de respect et de parité, mais c’est aussi aller dans le sens d’une éducation citoyenne des petits Mérignacais. L’engagement des élèves, des professeurs et des animateurs a fait partie intégrante de la réussite de ce projet. » Véronique Kuhn - adjointe au Maire, déléguée à l'éducation