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Noëlle Famlon, présidente du groupe Eurasie

Noëlle Famlon n’aime pas parler d’elle. Sa vie pourtant est un roman dont les premiers chapitres, avant la success-story économique d’Eurasie (4 établissements, une centaine de collaborateurs, 15 millions d’euros de chiffre d’affaires), mêlent saga familiale et tragédie humaine.

Née en 1961 dans le sud rural du Laos, Noëlle grandit dans une famille de 7 frères et sœurs, dont le père est cadre pour une entreprise française. Mais celui-ci est emprisonné au moment de la guerre d’indépendance de 1975, coupable d’avoir travaillé pour l’ancienne puissance coloniale. A sa libération en 1978, la famille de 10 personnes abandonne tout sur place et réussit à fuir le pays, après avoir traversé le Mékong en pirogue, pour rejoindre un camp de réfugiés en Thaïlande, avant d’être accueillie en France.
Une communauté catholique de Lège Cap-Ferret parraine alors la famille, la fait venir en Gironde et surtout l’accompagne auprès de Promodès (Carrefour), qui lance alors l’enseigne Huit à 8. Les parents prennent la gestion de la première supérette de la région, au Canon. Noëlle s’inscrit de son côté à un BTS de comptabilité à Andernos, diplôme qu’elle obtient en un an, tout en travaillant dans le magasin familial en parallèle. 

Après son BTS, Noëlle rejoint le groupe Tang Frères à Paris. Dans le même temps, les parents remboursent leur crédit à Promodès, propriétaire de Huit à 8, et réinvestissent immédiatement dans une épicerie cours Balguerie-Stuttenberg et un premier restaurant place Stalingrad à Bordeaux. Noëlle rejoint la famille et Bordeaux à ce moment-là. Les bases de la success-story sont posées, avec le travail et l’humilité comme valeurs cardinales.

Le concept d’épicerie-restauration et le nom « Eurasie » naissent officiellement cours Journu-Auber à Bordeaux, en 1989, lorsque la famille loue un local de 800 m² pour y développer un supermarché asiatique, avec un rayon de plats à emporter et un restaurant. 

L’ouverture en 2005, sans les parents qui prennent alors leur retraite, mais toujours avec un frère et une sœur, du vaisseau-amiral de la rue de Tourville (Bordeaux-Nord) est un autre tournant qui démultiplie la visibilité de l’enseigne avec une surface de vente de 2.000 m². L’offre d’Eurasie consiste alors en un supermarché avec plus de 10.000 références et un traiteur de spécialités asiatiques. 

Noëlle et son frère Francis prennent en charge le supermarché. La partie traiteur est gérée en direct par leur sœur Brigitte et son mari Champa. Eurasie ne cesse d’innover et d’importer d’Asie de nouvelles recettes et de nouveaux produits. Le succès commercial est au rendez-vous et le nom d’Eurasie s’impose progressivement.

L’implantation à Mérignac fait rapidement partie des projets, même si l’enseigne ouvre d’abord un laboratoire de fabrication à Peujard-sur-Gironde en 2014, puis un nouvel établissement à Latresne en 2016. C’est en 2017 que la famille Famlon investit 2 millions d’euros et implante, sur 1.700 m², le plus grand supermarché d’Europe à Mérignac. Un titre de presse parle alors de l’empire d’Eurasie.

Le projet est un échec. La clientèle n’est pas au rendez-vous et l’enseigne réajuste très vite sa surface pour coller au marché. La partie restauration, en revanche, décolle immédiatement. Depuis 2017, malgré une concurrence toujours plus accrue, Eurasie reste la référence à Mérignac.

Tout le monde connaît aujourd’hui la cuisine d’Eurasie à Mérignac ou Bordeaux. Son histoire est moins connue. Eurasie est plus une grosse PME qu’un empire, mais sa trajectoire est exemplaire. Avec le travail et l’humilité comme valeurs cardinales.

Prochain portrait : Emmanuel Debruères, président d’Oxbow