3 questions à Solange Brand et Françoise Denoyelle
Rencontre avec Françoise Denoyelle, illustre historienne de la photographie et Solange Brand, photographe, toutes deux co-commissaires de l’exposition.
La Vieille Église accueille du 15 janvier au 3 avril l’exposition « Elles et leurs regards sur la Chine 1949 -1968 » qui regroupe les oeuvres de trois femmes au parcours exceptionnel : Solange Brand, Dominique Darbois et Eva Siao. Chacune d’entre elles a immortalisé la vie quotidienne des Chinois à sa manière, à trois périodes charnières de l’Histoire de la Chine.
1/ Qu’est-ce qui vous a poussé à monter cette exposition ensemble ?
Françoise Denoyelle : Nous nous connaissons de longue date avec Solange Brand, un jour elle m’a montré ses photographies prises en Chine en 1966 quand elle travaillait là-bas. Je l’ai de suite incitée à les exposer et en faire un livre car je les ai trouvées incroyables ! Nous nous sommes ensuite lancées ensemble dans des recherches sur la photographe Eva Siaoqui était une photographe allemande peu connue mais dont nous trouvions le travail passionnant. Je possédais déjà le fonds de photos de Dominique Darbois, l’idée d’une exposition commune est donc née.
Solange Brand : Cette exposition est l’aboutissement de nombreuses années de travail et de recherches ! Lors de l’édition chinoise de mon livre, dont Françoise avait écrit la préface sur la version française, j’ai recherché des informations sur la journaliste chinoise qui avait écrit la préface chinoise. Je suis tombée sur un article de la même personne sur Eva Siao et ses photographies ont immédiatement résonné en moi ! Je me suis mise à enquêter sur elle, Françoise m’a suivie dans cette aventure, nous sommes mêmes allées en Allemagne rencontrer ses proches. Eva est un peu « une soeur lointaine » pour moi.
2/ Quelle était la condition de femme photographe dans ces années-là en Chine ?
Françoise Denoyelle : C’est ce qui est le plus intéressant dans cette exposition, il s’agit de trois regards différents de femmes exceptionnelles ! Eva Siao était une jeune allemande exilée, marié à un ami d’enfance de Mao Zedong, donc dans le cercle proche du pouvoir. Elle avait à la fois accès à beaucoup de choses mais on se méfiait d’elle car elle était étrangère. Dominique Darbois était une vraie aventurière : résistante à 16 ans, elle a passé deux ans à Drancy puis a choisi de faire le tour du monde pour le photographier. Elle a sillonné toute la Chine, même dans les endroits les plus reculés pour documenter cet écart entre pays émergent et l’industrialisation en cours.
Solange Brand : J’avais 19 ans quand je suis arrivée en Chine pour travailler à l’ambassade de France et je m’y suis tout de suite sentie bien. Il n’y avait aucun touriste et l’appareil photo m’aidait à dépasser la barrière de la langue. Quand je me baladais avec mon appareil photo, pour graver dans ma mémoire ce que j’étais en train de vivre, les gens n’étaient pas méfiants. Ce que l’on ressent en regardant les photographies, c’est la stupéfaction sur le visage des personnes. On y voit toute la gamme des émotions, c’était pour la plupart la première fois qu’on les prenait en photo, ils étaient très innocents vis-à-vis de cela. Et puis j’étais une jeune femme occidentale derrière l’objectif leur souriant : que de nouveautés !
3/ Quel message souhaitez-vous faire passer via cette exposition ?
Françoise Denoyelle : Le point commun de ces trois femmes, c’est qu’elles ont choisi de documenter le quotidien des Chinois, elles s’attachent, chacune à leur manière, au concret, au monde réel. À cette époque où la propagande était reine et où peu d’étrangers étaient autorisés à entrer en Chine, elles montrent la réalité pendant trois moments clés de l’Histoire de la Chine.
Solange Brand : Quand j’ai pris ces photos, je n’avais pas d’intention, c’est ce qui les rend, à mon sens, très spontanées. On y voit la force formidable qu’ont eu les Chinois, même dans les pires moments de leur Histoire, la vie continuait… J’ai moi-même été très émue d’apprendre qu’au moment où je photographiais ces instants fugaces, Eva Siao était emprisonnée pendant 5 ans.
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Retrouvez l'exposition "Elles et leurs regards sur la Chine 1949-1968" du mardi au dimanche de 14h à 19h à la Vieille Eglise de Mérignac. Pour aller plus loin dans la découverte de l’exposition, des actions de médiation culturelle sont programmées. Nous vous proposons des visites accompagnées, des rencontres et des ateliers.
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